Détail

Centraliser ou décentraliser, telle est la question

27 septembre 2018 | Stephanie Schnydrig

En fonction du site, le traitement des eaux usées là où elles sont produites permet plus de flexibilité tout en étant plus économique. Pourtant il n’existe guère de telles installations décentralisées en Suisse, alors que le potentiel de marché est étonnamment élevé, comme l’ont calculé les chercheurs de l’Eawag.

En Suisse, les eaux usées sont généralement transportées vers des stations d’épuration centralisées en passant par des kilomètres de canalisations souterraines de nos égouts. Mais ce système rencontre occasionnellement des problèmes tels que des fuites au niveau des canalisations ou des débordements d’égouts en cas de fortes précipitations. Les coûts de maintenance sont également très élevés. C’est pourquoi la question se pose de savoir si des investissements dans le réseau d’assainissement existant sont encore rentables ou si d’autres solutions ne seraient pas éventuellement plus économiques – comme par exemple une épuration des eaux usées directement sur site.

Un potentiel important pour des installations décentralisées

De telles stations d’épuration décentralisées sont encore rares en Suisse : Seulement trois pour cent de la population utilisent ce système. Les scientifiques de l’Eawag, réunis autour du géographe Sven Eggiman – qui mène désormais des recherches à l’université d’Oxford –, ont essayé de déterminer où ce type d’épuration des eaux usées serait avantageux. Ils ont ainsi pu évaluer le marché potentiel pour des installations décentralisées.

L’équipe de chercheurs a utilisé un modèle informatique qui a calculé pour chaque ménage suisse quelle serait l’infrastructure d’assainissement la plus économique pour lui. Les calculs se sont fondés par exemple sur les frais d’entretien des canalisations, les frais de surveillance et de transport. Le résultat : Les stations d’épuration décentralisées seraient plus avantageuses pour environ 10 pour cent de la population suisse. « Le potentiel est particulièrement élevé dans les régions rurales », affirme Ulrike Feldmann, sociologue de l’environnement et co-auteure de l’étude. Dans ces régions, une station d’épuration décentralisée serait rentable pour au moins 30 pour cent des habitants. Les chercheurs ont publié ces résultats récemment dans la revue spécialisée « Land Use Policy ».

Une production industrielle est possible

La méthode d’épuration la plus avantageuse dépend entre autres de la densité de population d’une région. Les chercheurs se sont basés sur cette constatation pour évaluer le potentiel de marché des installations décentralisées pour toute l’Europe. Ils sont arrivés à la conclusion qu’environ 100 000 installations pourraient être vendues annuellement sur le marché européen, une quantité qui permettrait une fabrication industrielle.

« Naturellement, nos résultats ne sont en aucun cas une prédiction du nombre d’installations décentralisées qui seront bientôt construites », souligne Ulrike Feldmann. Car le modèle est basé sur des hypothèses fortement simplifiées. Malgré tout : Il permet d’évaluer l’ordre de grandeur du marché potentiel pour des installations décentralisées. « Et ces chiffres montrent que l’investissement dans la recherche et l’encouragement de systèmes décentralisés innovants est payant sur le long terme.

La carte illustre le potentiel de marché pour les stations d’épuration en Suisse.
(Graphique : Eggimann et al., 2018)

Publication originale

Eggimann, S.; Truffer, B.; Feldmann, U.; Maurer, M. (2018) Screening European market potentials for small modular wastewater treatment systems – an inroad to sustainability transitions in urban water management?, Land Use Policy, 78, 711-725, doi:10.1016/j.landusepol.2018.07.031, Institutional Repository