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Le plaisir de la baignade est gâché : des algues bleues produisent un cocktail de toxines potentielles

26 mars 2019 | Felicitas Erzinger

Les eaux douces sont envahies par des algues bleues qui produisent un mélange de substances très diverses. Les risques sanitaires de ces substances sont encore peu connus. Les recherches effectuées dans la littérature par la chercheuse de l’Eawag Elisabeth Janssen attestent cependant d’effets potentiellement nocifs.

Entre le printemps et l’automne, lorsque les lacs se réchauffent et que les concentrations de nutriments augmentent, des blooms d’algues se produisent immanquablement partout dans le monde - une apparition massive d’algues bleues. En Suisse aussi, par exemple dans les lacs de Greifen et de Baldegg. Ceci peut être problématique, car certaines algues bleues, connues des scientifiques sous le nom de cyanobactéries, produisent des substances toxiques. Lorsque des personnes se baignent dans un lac touché par des proliférations d’algues ou en avalent l’eau, de faibles quantités de ces toxines peuvent entraîner des irritations cutanées, des vomissements ou des diarrhées. Pour certains organismes aquatiques tels que des amphipodes, elles peuvent même être mortelles. Cependant, outre des toxines connues, les algues bleues produisent d’innombrables autres substances qui n’ont que peu fait l’objet d’études scientifiques.

Comme le montre une étude bibliographique exhaustive réalisée par Elisabeth Janssen, la recherche s’est intéressée jusqu’ici presque exclusivement à une certaine catégorie de substances : les microcystines. Plus de 90 % des études sont consacrées à ces substances et à leurs risques. « Mais les microcystines ne sont que la partie visible de l’iceberg », précise Janssen. Car plus de la moitié des substances produites par les algues bleues ne sont pas des microcystines. Les investigations menées par cette chimiste de l’environnement démontrent qu’elles peuvent cependant comporter un risque aussi bien pour l’homme que pour les animaux : Quelques études ont pu déjà mettre en évidence des effets néfastes sur la santé. « Cela montre qu’une analyse de risque des autres catégories de substances serait également primordial », ajoute Janssen.

Motiver d’autres chercheurs

Mais il ne serait guère possible d’étudier chacune des différentes substances, elles sont tout simplement trop nombreuses. Pour limiter le champ d’étude, la chercheuse propose en conséquence de commencer par identifier celles qui sont fréquentes et ont une longue durée de vie, et de tester ensuite leur toxicité. Et c’est justement ce à quoi Janssen et son équipe consacrent des recherches intensives. L’absence de dits standards pour la plupart des substances constitue un grand défi. Ils sont en effet nécessaires pour démontrer la présence d’une substance spécifique dans l’échantillon. S’il n’existe pas de standards, des analyses supplémentaires sont alors nécessaires. « C’est un travail de longue haleine », commente Janssen, « mais il offre aussi un grand potentiel pour découvrir de nouvelles corrélations dans ce domaine. » La chercheuse espère que son étude bibliographique attirera l’attention d’un plus grand nombre de scientifiques environnementaux sur ce thème et les motivera à y consacrer des recherches. Car il n’est pas possible de maîtriser seul l’énorme diversité de substances produites par les algues bleues.
 

Publication originale

Janssen, E. M. -L. (2019) Cyanobacterial peptides beyond microcystins – a review on co-occurrence, toxicity, and challenges for risk assessment, Water Research, 151, 488-499, doi:10.1016/j.watres.2018.12.048, Institutional Repository