Détail

De nouveaux consommateurs de méthane détectés dans les lacs

7 juin 2017 | Andri Bryner

Dans les lacs d'eau douce, une grande partie du méthane, gaz à effet de serre très puissant, est dégradé par des bactéries avant qu'il n'ait pu se dégager dans l'atmosphère. Une étude réalisée dans le Rotsee et le lac de Zoug montre maintenant que la majeure partie de cette dégradation n'est pas assurée par les méthanotrophes connus mais par des bactéries filamenteuses unique-ment rencontrées, jusqu'à présent, dans le domaine de l'eau potable.

La dégradation de la matière organique déposée au fond des lacs ou des mers s'accompagne de la formation de méthane. Une partie de ce gaz remonte à la surface et se dégage dans l'atmosphère où il contribue à l'effet de serre. Une autre partie est dégradée par des bactéries dans la colonne d'eau. Une équipe internationale de recherche a maintenant découvert que cette dégradation du méthane n'était pas uniquement le fait de méthanotrophes classiques mais également de bactéries filamenteuses du genre Crenothrix, encore très peu connues dans l'environnement. L'étude vient d'être publiée dans la revue de la société internationale de microbiologie environnementale (ISME). 

Une découverte faite par hasard

C'est par hasard que les scientifiques ont détecté les bactéries du genre Crenothrix. Ils étudiaient les processus de dégradation du méthane dans le lac du Rotsee, à Lucerne, et le lac de Zoug en utilisant une technique qui consiste à marquer du méthane au 13C puis à identifier les bactéries qui l'on consommé par une combinaison de microscopie et de spectrométrie de masse. «Habituellement, les bactéries détectées apparaissent toujours sous la forme de petites cellules arrondies», indique Jana Milucka de l'Institut Max Planck de Brême qui a participé à l'étude. Or, cette fois-ci, les petites bactéries ovoïdes n'étaient pas les seules à avoir accumulé du 13C mais étaient accompagnées d'organismes bactériens filamenteux (photo). «Cette observation nous a grandement surpris, révèle la chercheuse. Nous ignorions jusqu'alors que ces bactéries filamenteuses étaient si fréquentes dans la nature. À partir de ce constat, nous avons commencé à étudier le rôle qu'elles jouent dans l'élimination naturelle du méthane.» 

Des bactéries habituellement rencontrées dans le domaine de l'eau potable

Le géologue Carsten Schubert, de l'Eawag, est un spécialiste reconnu de la dégradation bactérienne du méthane dans l'eau. Pour lui aussi, la découverte faite dans les deux lacs de Suisse intérieure a été une surprise. Car même si les grandes bactéries filamenteuses du genre Crenothrix sont connues depuis longtemps, elles s'apparentent plutôt aux systèmes d'approvisionnement en eau potable. Dans ce domaine, elles sont très gênantes car elles peuvent se développer au point d'envahir les filtres et tuyauteries. Jusqu'à présent, elles n'avaient encore jamais été mises en évidence en milieu lacustre parce qu'elles n'avaient pas été recherchées de façon ciblée et qu'il est difficile de les détecter avec les techniques de biologie moléculaire. «Il semble bien que nous ayons totalement sous-estimé leur rôle dans les cycles biogéochimiques», reconnaît aujourd'hui Schubert. Entretemps, les chercheurs ont en effet non seulement démontré que les Crenothrix font partie intégrante du plancton des lacs d'eau douce mais également qu'ils pourraient même y jouer le rôle principal dans l'oxydation du méthane.

Article original

Kirsten Oswald, Jon S Graf et al.: Crenothrix are major methane consumers in stratified lakes; ISME Journal (2017) 00, 1–17. http://dx.doi.org/10.1038/ismej.2017.77

Les bactéries découvertes par hasard dans le lac du Rotsee, vues au microscope. À gauche : les bactéries connues pour consommer du méthane sont petites et arrondies. À droite : grâce à la spectrométrie de masse, le marquage au 13C montre que le méthane est également absorbé par les grandes bactéries filamenteuses du genre Crenothrix. Les petits points bleus (à gauche) ou entourés de blanc (à droite) sont des bactéries non méthanotrophes.