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Nouvelle plantes: Peste ou aubaine?

2 juillet 2013 | Andri Bryner

Les plantes nouvellement introduites ou migrantes peuvent en partie servir de festin aux chenilles de papillon locales. Lorsqu’il s'agit de plantes utiles, on se réjouit que les prédateurs soient absents ou discrets. Dans la nature, un enrichissement de leur menu peut cependant être souhaitable parce qu'il pourrait contrer une multiplication invasive des néophytes. Les chercheurs de l'Eawag viennent de mettre au point une méthode permettant de prédire dès l'introduction de nouvelles plantes comment et par quels insectes elles seront intégrées à leur menu.

 Les plantes introduites sont depuis longtemps une réalité - dans l'agriculture, dans les jardins, mais aussi dans les écosystèmes naturels. Ce mélange global des flores a pour conséquence de nouvelles interactions entre les animaux herbivores indigènes et les nouvelles plantes. La nouvelle nourriture peut avoir des conséquences importantes. Les insectes indigènes peuvent s'en prendre aussi bien aux plantes utiles introduites qu'aux néophytes potentiellement invasifs. De leur côté, les nouvelles plantes peuvent entrainer des modifications de la composition des communautés d'herbivores indigènes.

Jusqu'ici la plupart de ces nouveaux rapports n'étaient étudiés de près que bien longtemps après l'introduction d'une espèce étrangère. Alors qu'il serait très intéressant ici de comprendre ces effets bien plus tôt, en particulier en ce qui concerne les conséquences écologiques et économiques. Florian Altermat, biologiste à l'Eawag et son collègue Ian Pearse (Cornell University) comblent désormais cette lacune. Dans le dernier numéro de la revue Ecology Letters, ils décrivent leur méthode de prédiction. Ils ont étudié à cet effet l'utilisation de 460 plantes non indigènes en Europe par 900 espèces de papillons. Ils ont testé avec succès leurs prédictions en ce qui concerne les interactions qui se sont déjà établies au cours des 100 dernières années. Ces résultats peuvent être utiles pour la surveillance d'espèces de plantes potentiellement invasives ou pour le développement en temps opportun de stratégies de lutte contre les nuisibles. Les pronostics permettent en outre une évaluation du risque que représentent les plantes nouvellement introduites pour les chaînes alimentaires locales.

«Notre modèle aurait pu prévoir avec exactitude l'infestation du chêne rouge d'Amérique par la Pudibonde (une espèce de papillon)», déclare Altermatt. À titre d'autres exemples de concordances réussies entre le modèle et la réalité, il cite encore une espèce de Sésie qui se plaît beaucoup dans les groseilliers cultivés d'importation, et un Geometridae qui outre les variétés de séneçon et d'armoise indigènes commence aussi à utiliser les solidages invasifs comme nourriture de ses chenilles. Dès qu'une plante est acceptée comme nourriture par les insectes indigènes, d'autres processus écologiques et évolutionnaires peuvent se mettre en marche. «Cette extension des menus en est vraisemblablement l'étape la plus importante», déclare le biologiste, «même si notre méthode ne peut pas encore prédire la dynamique à court terme des communautés».

À l'avenir, il sera donc possible de pronostiquer avant même qu'une plante soit introduite dans le pays si les chenilles indigènes vont faire leurs délices de cette nouvelle plante. Ceci peut être fort utile par exemple aux autorités pour savoir quelles importations autoriser. 

Plus d'informations

Publication originale

Ian S. Pearse and Florian Altermatt. Predicting novel trophic interactions in a non-native world. Ecology Letters. http://doi.wiley.com/10.1111/ele.12143

Photos à télécharger
Médias (toutes les photos: © Eawag, Florian Altermatt; utilisation libre uniquement dans le cadre de ce communiqué de presse, pas d'archivage)

Ce modèle peut tester si les chenilles de l'Écaille du Séneçon ou Goutte de Sang (Tyria jacobaeae) peuvent élargir leur menu à des séneçons non indigènes.

Les modèle prédit avec exactitude que les chenilles de la Pudibonde (Calliteara pudibunda) élargissent leur régime alimentaire et se nourrissent maintenant aussi du chêne rouge nord-américain d'origine (Quercus rubra).

Les chenilles du Petit Paon de Nuit (Saturnia pavonia) ont un éventail relativement large de plantes vivrièreset peuvent également utiliser le Cotoneaster dammeri non indigène comme plante nourricière. Ce qui a également été correctement pronostiqué.

La femelle de la Petite Tortue (Aglais urticae) pond des œufs sur les orties indigènes. Le modèle permet de tester si ce papillon peut également utiliser des plantes non indigènes.