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L'Aquascope fait la lumière sur le milieu lacustre

17 juin 2020 | Bärbel Zierl

Depuis le printemps 2018, un nouveau microscope submersible baptisé Aquascope photographie automatiquement les différentes espèces de plancton du lac de Greifen. C'est la première fois que ces organismes sensibles peuvent être observés sans être perturbés dans leur environnement naturel. Et c'est un pas décisif vers la surveillance automatisée de la qualité de l'eau et de la biodiversité aquatique.

Les photos prises en direct par l'Aquascope révèlent un univers fantastique sous la surface. Une multitude de créatures étonnantes se bouscule dans le lac de Greifen : en forme d'étoile, de cylindre, arborant des cornes ou des ornements extravagants. Mais le phytoplancton et le zooplancton qui se laissent porter par les eaux du lac ne font pas que stimuler l'imagination, ils sont aussi des indicateurs de l'état écologique du milieu. L'observation du plancton est donc essentielle à une bonne surveillance de la qualité des eaux. Et l'Aquascope est alors un excellent allié. Il est basé sur la Scripps Plankton Camera du Jaffe Laboratory of Underwater Imaging de l'université de Californie. Il est ainsi constitué d'une source LED très puissante et d'un microscope submersible à deux grossissements qui transmet les photos à la surface. L'eau chargée de planton peut circuler dans un espace ménagé entre la source de lumière et l’appareil photo, si bien que les biologistes peuvent observer les minuscules organismes dans leur environnement naturel sans les déranger. C'est un énorme avantage puisque ces êtres sensibles n'ont plus à être capturés et extraits de leur environnement familier, ce qui détruisait souvent leurs structures naturelles.

Des images très nettes malgré la turbidité de l'eau

Le biologiste Francesco Pomati, du département Écosystèmes aquatiques, et ses collaborateurs ont adapté la Scripps Camera, conçue pour le milieu marin, aux conditions lacustres. « Nous avons modifié la configuration de l'instrument en le dotant de deux objectifs avec deux grossissements différents et en augmentant la distance entre la source de lumière et les appareils photos. Ces aménagements ont été nécessaires pour les objectifs reçoivent suffisamment de lumière et puissent livrer des images nettes même en conditions de turbidité. » Seule la lumière diffusée par le plancton est photographiée, si bien que les organismes apparaissent comme des structures claires sur fond sombre.

Depuis avril 2018, l'Aquascope est en phase d'essai sur la plateforme de recherche du lac de Greifen. Toutes les heures, il prend une photo par seconde pendant dix minutes, et ce, toute l'année durant. Un ordinateur portable intégré à l'Aquascope transmet les images haute résolution en temps réel à l'Eawag. Quelques minutes plus tard, l'équipe de Pomati peut déjà les exploiter sous forme numérique sur ses ordinateurs.
 

Pomati pense déjà à l'avenir : « Si la phase de test est concluante, l'Aquascope peut remplacer la méthode traditionnelle qui exige que le plancton soit prélevé manuellement, transféré au laboratoire puis trié, déterminé et compté au microscope ». Le système submersible offre aux scientifiques une vision entièrement nouvelle du milieu lacustre. « Nous pouvons observer la biodiversité et la dynamique des communautés planctoniques in situ, de manière automatisée et en temps réel, ce qui nous livre beaucoup plus d'informations. » Mais la surveillance des milieux aquatiques s'en trouvera également simplifiée car l'Aquascope permet de prédire au jour le jour l'évolution de la qualité biologique de l'eau et des blooms toxiques d'algues bleues.

L'intelligence artificielle au secours des analystes

Toutefois, la quantité monumentale de données livrée par l'Aquascope pose également un problème aux biologistes. « Si nous devons classifier les photos visuellement, nous ne pouvons en exploiter qu'une partie », explique Pomati. Il a donc récemment lancé un projet avec les physiciens Thomas Lorimer, Carlo Albert et Marco Baity Jesi du département Analyse des systèmes et modélisation. Leur but : permettre une classification automatique des images grâce à l'apprentissage artificiel. Les chercheurs développent des algorithmes et les nourrissent avec les nombreuses photos pour leur apprendre à identifier les espèces et les caractéristiques intéressantes du plancton. « Mais les espèces rares sont difficiles à appréhender car nous ne disposons pas de beaucoup de photos à leur sujet », commente Pomati.

Photo de couverture: Eawag