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Décoder le génome de la biodiversité européenne

1 février 2022 | LOEWE-Zentrum für Translationale Biodiversitätsgenomik / Claudia Carle, Eawag

Début 2021, des scientifiques de 48 pays ont lancé « l’Atlas européen des génomes de référence » (ERGA). Dans le cadre de ce projet, près de 600 chercheuses et chercheurs ont l’intention de décoder le patrimoine génétique de toute la biodiversité du continent et d’élaborer des « génomes de référence » pour chacune des quelque 200’000 espèces eucaryotes concernées. L’initiative doit ainsi renforcer les bases de la protection de ces espèces.

À l’image d’un plan de construction, les génomes de référence représentent la quasi-intégralité du code génétique d’un organisme, un exemple caractéristique d’une espèce entière. «En prenant comme point de comparaison un tel génome de référence, il est par exemple possible de déterminer en détail des différences dans le patrimoine génétique de deux individus de cette espèce», explique Philine Feulner, responsable de groupe dans le département Écologie et évolution des poissons de l’Eawag. Accompagnée de Nadir Alvarez de l’Université de Genève, elle représente l’équipe suisse au sein du Conseil de l’Atlas européen des génomes de référence (ERGA). Si le séquençage de génomes complets était encore limité à une poignée d’organismes modèles il y a encore quelques années, les progrès techniques ont depuis rendu possible et en principe abordable le décodage des génomes de toutes les espèces. Toutefois, jusqu’à présent, seule une infime partie des génomes des espèces sont disponibles avec une qualité de référence.

L’Eawag décode le génome de deux espèces de poissons

Dans le cadre de la phase pilote en cours du projet de l’ERGA, Ole Seehausen, responsable du département Écologie et évolution des poissons à l’Eawag, est responsable du séquençage génomique de deux espèces de poissons: l’apron du Rhône et la perche des lacs. «L’apron du Rhône est l’espèce de poissons la plus menacée de Suisse. Actuellement, un projet est en cours pour déterminer si la population est seulement encore viable », explique Ole Seehausen, « et la perche des lacs est une espèce très importante pour l’écosystème. Nous voulons voir à quel point elle se différencie de la perche fluviatile dans le répertoire génétique.»
 

Pour l’Atlas, les chercheuses et chercheurs de l'Eawag vont décoder le génome de deux espèces de poissons : l'apron du Rhône (photo du haut) et la perche des lacs (photo du bas).
(Photos: Aquatis, Ole Seehausen)

Dans un article publié en janvier dans le journal «Trends in Ecology and Evolution», le Conseil de l’ERGA a souligné la nécessité et l’importance des génomes de référence pour l’étude biologique de la biodiversité ainsi que pour la protection des espèces. Bien que le principal moyen de préservation de la biodiversité réside dans la protection des populations dans leurs habitats ainsi que dans la préservation et la restauration de leurs biotopes et écosystèmes, l’étude du génome offre un éventail d’instruments innovants en rapide expansion pour la caractérisation de la biodiversité et le soutien de tels efforts de conservation, écrivent les scientifiques.

La diversité du génome: un système d’alerte précoce

Les génomes de référence apportent notamment des éclaircissements sur l’histoire évolutive d’une espèce et sert de base à l’analyse du génome de nombreux individus d’une même espèce. Il devient ainsi possible d’estimer le potentiel d’adaptation d’une population ou de l’espèce. Ces données complexes livrent alors des informations pour répondre à d’innombrables questions, des aspects de la formation de l’espèce à la caractérisation de communautés d’espèces entières en passant par le rôle de l’échange génétique entre les espèces et la perte de diversité génétique. La disponibilité de génomes de références de haute qualité pour une part représentative des espèces revêt une importance fondamentale pour la préservation de la biodiversité en permettant la mise en place de mesures de protection ciblées. L’étude de la diversité génomique d’une espèce peut servir de système d’alerte précoce pour estimer sa capacité de résistance, pour prédire les effets des modifications de l’habitat ou de la surexploitation des populations et enfin pour soutenir la planification stratégique des mesures de conservation.
 

Atlas européen des génomes de référence (ERGA)

L’ERGA est la branche paneuropéenne officielle de l’Earth BioGenome Project, une initiative mondiale qui vise à séquencer et à cataloguer le génome de toutes les espèces eucaryotes connues de la Terre sur une période de dix ans.

Informations sur le projet ERGA

Photo de couverture: À l’image d’un plan de construction, les génomes de référence représentent la quasi-intégralité du code génétique d’un organisme (Image: iStock)

Publication originale

Formenti, G; Theissinger, K;  Fernandes, C.; Bista, I.; Bombarely, A.; Bleidorn, C.; Ciofi, C.; Crottini, A.;  Godoy, J. A.; Höglund, J.; Malukiewicz, J.; Mouton, A.; Oomen, R.A.; Paez, S.;  Palsbøll, P. J.;  Pampoulie, C.;  Ruiz-López, M. J.; Svardal, H.; Theofanopoulou, C.;  de Vries, J.; Waldvogel, A.; Zhang, G.; Mazzoni, C.J.; Jarvis, E. D.; Bálint, M. and The European Reference Genome Atlas (ERGA) Consortium (2022) The era of reference genomes in conservation genomics; Trends in Ecology & Evolution; https://doi.org/10.1016/j.tree.2021.11.008