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Peter Reichert prend sa retraite

24 juin 2022 | Bärbel Zierl

Son regard mathématique sur l’eau et les cours d’eau combiné à son intérêt pour la pratique environnementale ont marqué les 37 ans de recherche à l’Eawag du professeur Peter Reichert. Il a construit une passerelle entre théorie et pratique, permettant ainsi des approches créatives utilisées aujourd’hui pour gérer les eaux de surface de nombreux sites.

«Contribuer à la compréhension des systèmes environnementaux par des méthodes mathématiques et soutenir leur management me fascine» déclare Peter Reichert. Lorsqu’il est arrivé à l’Eawag en avril 1985 après ses études et son doctorat en physique théorique à l’Université de Bâle, il dit avoir tout ignoré des sciences environnementales. Mais il découvrit rapidement à quel point ce sujet était passionnant et diversifié. Son intérêt était éveillé. Il relia théorie et pratique, combina mathématiques et sciences environnementales, apportant ainsi de nouvelles idées et perspectives à l’Eawag. Il s’est engagé, comme chercheur pendant 37 ans, puis plus tard en tant que chef de département et membre de la direction à l’Eawag, à développer à la fois des méthodes statistiques et des solutions pratiques pour les problèmes environnementaux. Ses collègues chercheurs ‑appréciaient beaucoup son style juste et objectif ainsi que son grand sens de la justice. Il écoutait avant de prendre une décision, et veillait à ce que chacun dispose de chances égales.

Il était passionné par la modélisation, l'incertitude et l’aide à la décision

Peter Reichert a principalement exercé à l’Eawag dans trois domaines: la modélisation de milieux aquatiques, la quantification de l'incertitude et l’aide à la décision pour la gestion des cours d’eau. Il a travaillé dès le début sur la modélisation: «Toute appréhension des sciences naturelles est un modèle. C’est pourquoi la modélisation est absolument centrale pour comprendre les systèmes environnementaux.» Sans collecte de données ni expérimentations, la modélisation serait impossible. «Nous avons besoin des données pour construire et tester les modèles. Les sciences naturelles reposent sur des données», ajoute Peter Reichert.

L’incertitude est un sujet qui s’est ajouté plus tard. «Étant donné que nos connaissances ne sont jamais intégrales, tous les modèles de prévisions comportent donc une incertitude», explique Peter Reichert. «La quantification et la communication de cette incertitude est très importante pour le sérieux et la crédibilité de la science. C’est pourquoi, nous avons mis l’accent sur les statistiques bayésiennes. Leurs méthodes permettent de combiner des connaissances acquises mais toutefois incertaines sur les systèmes environnementaux avec des informations provenant des données de mesure pour ainsi réduire l’incertitude des prévisions.»
 

Peter Reichert à son poste de travail informatique.
(Photo: Peter Penicka, Eawag)

Cerner exactement les besoins de la société

Le troisième domaine des mathématiques mis en place à l’Eawag par Peter Reichert est l’aide à la décision formalisée: «L’Eawag a une longue et fructueuse expérience dans l’aide aux décisions pour la pratique environnementale. En interaction avec la pratique, les chercheurs travaillent à des solutions optimales pour les problèmes environnementaux, lesquelles seront ensuite intégrées dans les lois, les ordonnances, les aides à la mise en œuvre et l’enseignement. Concernant la méthode formelle d’aide à la décision, nous essayons de concevoir ce processus de manière plus explicite. Cela le rend plus transparent, plus flexible et plus facilement analysable. De plus, la formalisation du processus facilite la communication des raisons de la décision.»

Les nouvelles méthodes de quantification de l’incertitude et de l’aide à la décision sont aujourd’hui établies non seulement à l’Eawag mais sont aussi utilisées de plus en plus fréquemment dans la pratique, à commencer par la revitalisation des cours d’eau. Dès le début, il était important pour Peter Reichert de réunir la recherche et la pratique et de prendre en compte les besoins de la société dans ses recherches. Dans le cadre de différents groupes de travail, il a donc discuté avec des spécialistes de l’environnement et les autorités de leurs besoins et des hiérarchies d’objectifs possibles. Mais il ne s’agissait pas seulement du transfert des résultats de la recherche à la pratique. «Dans la collaboration avec la pratique, nous, les chercheurs, sommes souvent confrontés à de nouveaux problèmes et incités de ce fait à examiner de nouveaux aspects des systèmes ou à développer de nouvelles méthodes scientifiques. Ces relations étroites permettent aussi de faire des progrès dans la théorie», explique Peter Reichert.

La collaboration est plus importante que les lauriers personnels

Pour tous les projets et dans tous les domaines, Peter Reichert insiste toujours sur le fait qu’il n’a pas obtenu ces résultats seul. La collaboration compte beaucoup pour lui. «Grâce à la diversité des collaborateurs et de leurs idées, l’atmosphère à l’Eawag est extrêmement créative. C’est important pour la recherche. Ce n’est généralement pas un seul individu qui fait avancer la science. On a besoin d’une collaboration constructive de diverses idées et la mise en œuvre commune de projets», affirme Peter Reichert avec conviction. À son avis, la tendance actuelle va en partie dans le mauvais sens. «La compétition est de plus en plus forte. Les chercheurs sont de plus en plus souvent forcés de se vendre comme le ou la meilleure. La collaboration constructive est beaucoup moins appréciée», regrette-t-il.

L’une des plus importantes contributions de Peter Reichert au développement de l’Eawag est le département «Analyse des systèmes, Integrated Assessment et modélisation SIAM», qu’il a co-fondé et dirigé pendant 20 ans. «Le département a contribué de façon substantielle à apporter à l’Eawag de nouvelles méthodes. L’école d’été de l’Eawag, qui se tient pour la 13e fois cette année, et dont la direction est assurée par Carlo Albert depuis quelques années y contribue également.» Quelque 30 jeunes chercheurs de l’Eawag et des institutions de recherche du monde entier participent chaque année à cette formation continue. Elle contribue ainsi à la fois à la construction d’un réseau international et à la formation continue interne.

Peter Reichert enseigne aussi à l’ETH Zurich depuis 1991, d’abord comme chargé de cours, plus plus tard comme privat-docent et depuis 2002 comme professeur titulaire dans les domaines modélisation mathématique des milieux aquatiques, analyse des systèmes et aide à la décision. En plus de cela, il participe à de nombreux cours de l’Eawag pour les experts de la pratique. Peter Reichert a en outre été membre de la direction de 2005 à 2015: «C’était une mission très intéressante de co-déterminer la stratégie de l’Eawag, même si à cette époque la recherche était un peu négligée.» Au bout de dix ans, il a cédé cette mission à son successeur Christian Zurbrügg et s’est à nouveau concentré sur la recherche et la direction de son département.

«Ce fut un privilège de travailler à l’Eawag»

Peter Reichert a cédé la direction du département à son successeur Nele Schuwirth il y a un an et demi. Il est heureux d’avoir laissé la direction entre de très bonnes mains et se dit convaincu que le département se développera favorablement grâce à la nouvelle direction, aux chefs de groupes et aux collaborateurs. Après 37 ans passés à l’Eawag, Peter Reichert fera ses adieux fin juin pour prendre sa retraite: «Je me suis toujours senti privilégié de travailler à l’Eawag», explique-t-il. «Je voudrais remercier mon groupe, tous les collègues de l’Eawag et du secteur de la recherche pour la collaboration stimulante.»

Et quels sont ses projets pour la retraite? «Je vais remplacer les jours de travail et les week-ends par les jours de beau temps et les jours de mauvais temps», explique Peter Reichert. Coureur, skieur, alpiniste, randonneur, cycliste et pilote de planeur passionné, il sera dehors dès que le soleil brille. Il se réjouit aussi, comme les dernières décennies, d’emmener ses collègues de recherche, dans certaines de ses randonnées en montagne. Les jours de mauvais temps, il se retirera pour continuer à travailler à certains projets de recherche de l’Eawag depuis chez lui.