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Eaux usées industrielles : même les stations d'épuration modernes n'épurent pas tout

19 juillet 2022 | Andri Bryner

Le nombre des composés synthétiques issus de l'industrie pharmaceutique et chimique qui se retrouvent finalement dans les eaux sont largement sous-estimés. Et ce, bien que les eaux usées des entreprises soient traitées dans des stations d'épuration modernes. C'est ce que montre une nouvelle étude de l'Institut Fédéral Suisse des Sciences et Technologies de l’Eau Eawag et de l'ETH Zurich.

Certaines sources de pollution chimique du milieu aquatique, comme l'agriculture ou les eaux usées communales, sont désormais assez bien connues. Mais les connaissances sur la quantité et la diversité des composés organiques synthétiques rejetés dans les eaux usées des industries liées à la production et de la fabrication de produits chimiques sont lacunaires et ponctuelles. Cela n'est pas sans poser problème, car parmi ces substances se trouvent des composés qui ont une durée de vie très longue, qui s'accumulent dans les organes des organismes ou qui peuvent favoriser la formation de résistances - par exemple aux antibiotiques. De plus, de nombreuses substances passent pour ainsi dire à travers les mailles du filet de la surveillance habituelle, car elles ne sont tout simplement pas recherchées.

Des produits chimiques non enregistrés ont également été trouvés

Dans leur étude, les chercheurs ont analysé de plus près les eaux usées épurées de onze stations d'épuration sur plusieurs mois. Pour ce faire, ils ont choisi des installations qui doivent faire face à des pourcentages très différents d'eaux usées industrielles - de 0 à 100%. Les eaux usées traitées ont ensuite été analysées à l'aide de la spectrométrie de masse à haute résolution, en partie automatisée. Il a ainsi été possible de déterminer le nombre total de composés présents et de suivre également les substances qui n'apparaissaient que brièvement en concentrations de pointe. La campagne, qui a demandé beaucoup d'efforts, a permis de tirer trois conclusions principales :

  • Plus de substances et des concentrations plus élevées que dans les eaux usées domestiques : les eaux usées industrielles traitées contiennent parfois jusqu'à 15 fois plus de substances et des concentrations de composés organiques synthétiques supérieures d'un à deux ordres de grandeur, avec des variations nettement plus importantes que dans les eaux usées domestiques.
  • Reflet des processus de production : La diversité chimique des eaux usées est très spécifique au site et reflète les processus de fabrication des entreprises concernées. Mais elle est également fortement influencée par d'autres facteurs, tels que le type et l'étendue du prétraitement des eaux usées, la façon dont les entreprises envoient leurs eaux usées à la station d'épuration ou encore le fonctionnement des stations d'épuration.
  • Des mélanges complexes : Parmi l'énorme quantité de substances trouvées, il peut y avoir des composés toxiques qui représentent une menace pour la biodiversité aquatique. Cela s'explique notamment par le fait que les émissions très fluctuantes entraînent des pics de concentration inattendus et ce dans des compositions chimiques en constante évolution. Des substances chimiques non enregistrées ont également été trouvées.

Les chercheurs qui ont participé à l'étude en concluent que la pratique courante n'est pas suffisante pour contrôler et éventuellement améliorer la qualité de l'eau. Aujourd'hui, on analyse généralement une liste standard de polluants cibles ainsi que certains paramètres cumulés au lieu d'examiner attentivement chaque site. C'est pourtant la seule façon d'établir des programmes de surveillance sur mesure et de prendre des mesures si nécessaires, écrivent les scientifiques. Les stratégies de réduction de la pollution peuvent couvrir un très large domaine, allant d'une modification des pratiques de traitement des eaux usées dans les entreprises et d'innovations dans les stations d'épuration, à des réglementations légales, voire à l'interdiction de certaines substances, en passant par des modifications des processus de fabrication. Certaines de ces mesures sont déjà mises en œuvre avec succès par des entreprises industrielles.
 

Article original

Anliker, S.; Santiago, S.; Fenner, K.; Singer, H. (2022) Large-scale assessment of organic contaminant emissions from chemical and pharmaceutical manufacturing into Swiss surface waters, Water Research, 215, 118221 (10 pp.), doi:10.1016/j.watres.2022.118221, Institutional Repository

Version simplifiée pour les professionnels de l’eau sur la plateforme "Water Science Policy" : Cartographie des polluants chimiques inconnus dans les eaux suisses ; Singer, H. et al. (2022) 'Mapping unknown chemical contaminants in Swiss waters' Water Science Policy, doi : https://dx.doi.org/10.53014/USJG7720

Financement / Coopération

L'étude à l'origine de ce texte (article original) a été cofinancée par l'OFEV. Les auteurs remercient aussi notamment les entreprises participantes, les autorités cantonales et le personnel des stations d'épuration impliquées.

Photo de couverture: Bachsee, Wikimedia commons et Water-Science-Policy