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Il est extrêmement urgent de combler l’écart entre les sexes

28 août 2019 | Andri Bryner

Non seulement les femmes, mais aussi une majorité des hommes trouvent que ceux-ci tombent plus souvent dans le piège et font preuve de partialité sur les questions de l’égalité des sexes. Deux fois plus de femmes que d’hommes pensent avoir été désavantagés en raison de leur sexe. De même, il y a deux fois plus de femmes à préconiser un quota de femmes à des postes académiques. C’est ce que montrent les résultats d’un sondage récemment publié dans la revue Earth and Space Science.

Un groupe de géoscientifiques, dont Andrea Popp, doctorante à l‘Eawag, a voulu recueillir des données utiles pour une intervention au congrès annuel de l’EGU (European Geosciences Union) en réalisant un mini-sondage via les réseaux sociaux. La question cruciale était de connaître l’avis des collègues sur l‘inégalité entre hommes et femmes dans le domaine des sciences de la terre. On avait tablé sur une cinquantaine de réponses, relate Popp. Nous avons finalement reçu plus de 1400 questionnaires remplis – assez de matière pour effectuer « un vrai travail scientifique ». Les résultats du sondage sont maintenant publiés dans un article de la revue Earth and Space Science : A global survey on the perceptions and impacts of gender inequality in the Earth and space sciences. Popp et al. https://doi.org/10.1029/2019EA000706 (open access).

Cinq questions à l’auteure principale Andrea Popp :

Existe-t-il des exemples typiques de ce que vous entendez par « gender biased », autrement dit des distorsions liées au genre ?

En raison de distorsions et préjugés liés au genre, les femmes ont souvent les plus mauvaises cartes en mains dans le secteur de la recherche. Cela se fait sentir dans tous les domaines scientifiques, p. ex. les femmes ont souvent moins de chances de décrocher de bons postes ou d’obtenir le financement de leurs projets, en premier lieu parce que leurs demandes sont le plus souvent évaluées par des hommes. Mais les femmes elles-mêmes ont souvent un jugement plus positif sur les hommes ou sur leur travail. Une chose est typique : les hommes préfèrent collaborer avec des hommes et les femmes s’en trouvent défavorisées.

Comment expliques-tu que les hommes tombent apparemment plus souvent dans le piège et sont à l’origine de discriminations sexistes ?
Ce n’est qu’une présomption. Je pense que, dans notre société, la plupart des postes-clés sont toujours occupés par des hommes. Cela crée automatiquement une hiérarchie inégale qui est pour le moins ressentie comme injuste ou encourage effectivement des traitements déloyaux.

Dans votre sondage, 40 % des femmes ont indiqué ne pas déceler de distorsions liées au genre dans leur institution. 27 % déclarent avoir déjà connu aussi des effets positifs en rapport avec leur sexe. N’est-ce pas une nouvelle réjouissante ?
Assurément, le fait qu’un tiers des femmes aient déjà fait des expériences positives est rassurant. Le revers de la médaille est que plus d’un tiers a déclaré avoir fait majoritairement des expériences négatives – chez les hommes, ce pourcentage est inférieur à 10 %. Cela révèle déjà qu’il y a encore du pain sur la planche.

45 % des femmes approuveraient un quota de femmes à des postes de direction. 28 % seulement des hommes sont de cet avis. Les hommes ont-ils tout simplement peur de perdre leur emploi ?
Si l’on regarde de plus près d’où vient chaque réponse, cela devient intéressant : ceux qui rejettent avec le plus de véhémence les quotas de genre sont essentiellement des hommes qui sont avant ou dans une phase post-doc. Ici, la concurrence et l’intérêt personnel semblent déjà jouer un rôle. Mais, chose intéressante, environ 25 % des femmes sont aussi contre les quotas.

Que devraient entreprendre les institutions et les responsables ?
Aussi longtemps que la masse critique des femmes occupant des positions-clés est inférieure à 30 %, il est difficile de colmater la fuite dans le pipeline. La recherche montre que cet effondrement de la proportion des femmes après le doctorat n’a rien à voir avec la décision des femmes d’endosser le rôle maternel et familial traditionnel, mais qu’il est influencé avant tout par des distorsions inconscientes liées au genre. Par conséquent, nous devons prendre davantage conscience de ces distorsions. Surtout ceux qui occuperont plus tard des postes décisifs. Des formations obligatoires pour les cadres supérieurs, hommes ou femmes, sont nécessaires. Par ailleurs, des processus d’embauche plus transparents ou l’encouragement de modèles de travail favorables à la famille sont également des points importants.

Vers l’étude : https://doi.org/10.1029/2019EA000706 (open access).