Détail

Les pics de concentration de courte durée sont très sous-estimés

4 décembre 2020 | Andri Bryner

Le spectromètre de masse ambulant automatisé MS2field permet de mesurer des polluants dans un cours d’eau avec une haute résolution temporelle. Les premières utilisations de l’appareil montrent à quel point les pics de concentration, par exemple de pesticides, ont été jusqu’à présent sous-estimés avec des méthodes conventionnelles.

En fait, ce n’est qu’un prototype, mais le laboratoire d’analyse de l’eau MS2field mobile et entièrement automatisé fournit déjà des données fiables et de surcroît explosives. Dans un article publié aujourd’hui dans la revue Aqua&Gas, les chercheurs responsables de l’Eawag ne décrivent pas seulement comment fonctionne la plate-forme, mais aussi comment ils s’en sont servis pour mesurer des concentrations de pesticides au bord d’un petit ruisseau de la région agricole.
 

Des pics de toxicité aiguë

Comme le MS2field prélève, traite et analyse automatiquement toutes les 20 minutes un échantillon, il a été pour la première fois possible de prouver clairement les importantes variations des concentrations – plusieurs ordres de grandeur en l’espace de quelques heures et de quelques jours. Pendant la même période de mesure, des échantillons mixtes classiques ont aussi été prélevés pendant 3 jours et demi et analysés en laboratoire de manière traditionnelle. Cela a permis de montrer à quel point les pics de concentration sont sous-estimés avec la méthode traditionnelle parce qu’on passe à côté ou qu’ils sont dilués. L’exemple de l’insecticide thiaclopride a également révélé que les pics de concentration à court terme sont écotoxicologiquement significatifs : Ainsi, le critère de qualité ancré dans l’ordonnance sur la protection des eaux et qui vise à empêcher des préjudices considérables aux organismes aquatiques, a été dépassé plusieurs fois et de beaucoup (jusqu’à 30 fois). Pour un grand nombre de pesticides, les concentrations maximales des mesures effectuées sur 20 minutes par le MS2field ont dépassé jusqu’à 170 fois les concentrations moyennes déterminées avec les échantillons mixtes réalisés pendant 3 jours et demi.
 

Le laboratoire mobile d’analyse de l’eau de la Chriesbach devant l’Eawag à Dübendorf.
(Photo: Eawag, Aldo Todaro)

Les échantillons mixtes classiques sous-estiment fortement le risque

Christian Stamm, co-auteur de l’étude et directeur adjoint du département de Chimie de l’environnement de l’Eawag, relève à quel point ces résultats limpides sont importants : « La saisie de pics de concentrations est extrêmement importante pour l’évaluation écotoxicologique de la pollution des eaux. Pour certains pesticides, des pics de moins d’une heure ont déjà des effets négatifs sur les organismes aquatiques. Et si des pics de concentration se produisent de manière répétée, un deuxième ou troisième pic peut avoir un impact encore plus grand, même s’il est moins élevé que le premier, parce que les organismes n’ont pas pu récupérer entre-temps. Ce risque est négligé dans les échantillons mixtes. »

Bientôt de taille à rentrer dans un sac à dos ?

Les chercheuses et chercheurs impliqués dans le projet MS2field sont convaincus qu’un grand avenir est réservé à leur plate-forme de mesure automatique. L’analyste environnemental Heinz Singer cite comme débouché possible les mesures à l’entrée et à la sortie d’une station d’épuration des eaux usées. Ici, les données en ligne pourraient contribuer à optimiser la performance d’épuration en matière de composés traces ou à retenir à dessein des eaux fortement polluées par temps de pluie. Comme le MS2field raccourcit extrêmement le laps de temps souvent long qui s’écoulait jusqu’ici entre le prélèvement et la fourniture des résultats, son utilisation dans le contrôle de l’eau potable est aussi envisageable. La numérisation et la miniaturisation se poursuivent. Singer est sûr que dans quelques années, le MS2field n’aura plus besoin de toute une remorque pour fonctionner, mais qu’il y aura des mini-laboratoires portables, adaptés au travail sur le terrain. « Nous avons franchi des étapes importantes dans cette évolution », dit-il en sortant son téléphone portable de sa poche pour consulter les résultats des mesures effectuées lors de la mission en cours du MS2field dans une station d’épuration des eaux usées.
 

Les données de mesure peuvent même être consultées quasiment en temps réel sur le téléphone portable.
(Photo: Eawag)

Automatisé, mobile et précis
L’équipe de l’Eawag a baptisé son laboratoire mobile d’analyses de l’eau « MS2field ». « MS » est l’acronyme du spectromètre de masse installé dans la plate-forme de mesure et l’ajout « to field » rappelle son utilisation flexible à l’extérieur, sur le terrain, dans une station d’épuration ou en bordure d’un cours d’eau. Outre le spectromètre de masse qui constitue la pièce maîtresse du système, celui-ci est composé d’un système d’échantillonnage et de filtration automatique et continu, d’un module d’enrichissement des échantillons et d’un chromatographe liquide. Pour finir, les données sont aussi évaluées automatiquement et transmises sous forme cryptée au serveur de l’Eawag via le réseau de téléphonie mobile. Pour le moment, un contrôle et un entretien du système sont nécessaires une fois par semaine.

Coup d’œil à l’intérieur de la remorque de mesure.
(Photo: Eawag)

Article original

Anne Dax, Michael Stravs, Christian Stamm, Christoph Ort, Daniele La Cecilia, Heinz Singer (Eawag) pdf en Allemand

Photo de couverture: Eawag